Voici un homme, accueilli dans la joie et l’enthousiasme, maintenant bafoué, lâché par les siens, trahi, humilié, condamné à mort ; des élites prêtes à tout pour protéger leurs prérogatives ; une foule versatile, hurlant à la mort de celui qu’elle a acclamé quelques jours auparavant. Tel est le singulier contraste que nous propose la célébration du dimanche des Rameaux. Commencée dans la liesse de l’entrée de Jésus à Jérusalem – liesse à laquelle nous nous associons, rameaux en mains – elle se poursuit par le récit de la Passion. Lumière et ténèbres, ainsi s’ouvre la « grande semaine », comme l’appellent les Orthodoxes, qui se termine le dimanche de Pâques.
Au plan historique, les célébrations de la Semaine Sainte portent la marque des usages de l’Église de Jérusalem qui, à la fin du IVe siècle, revivait la dernière semaine de Jésus en mettant ses pas dans les siens : procession rappelant l’entrée triomphale à Jérusalem le dimanche ; évocation de la Cène le jeudi ; écoute de la Passion et vénération de la Croix entre la sixième et la neuvième heure du jour, le vendredi ; silence du tombeau, sans aucune liturgie, le samedi jusqu’à la veillée pascale. Se déployait ainsi, sur une semaine, tout le mystère du Christ qui était jusqu’alors contemplé, à la lumière de la résurrection, en une célébration unique la nuit de Pâques. Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, la remise en valeur du Triduum Pascal insiste sur l’unité des célébrations du jeudi saint, du vendredi saint et de la vigile.
Unité que marque la liturgie : la messe en mémoire de la Cène se termine par une procession au reposoir, sans bénédiction ni envoi ; l’Office de la Croix commence dans le silence et se termine de même, et ce n’est qu’à la fin de la vigile pascale que nous retrouvons une bénédiction solennelle et l’envoi des fidèles « dans la paix du Christ ».
Ainsi, invités à dépasser la « simple » narration d’un événement passé, la Semaine Sainte, du dimanche des Rameaux au dimanche de Pâques, nous propose de vivre « le chemin pascal ouvert par le Christ, où l’on consent à mourir pour entrer dans la vie » (Jean-Paul II, 1988)
Armelle Pinon,
Laïque en mission ecclésiale à Saint-Bonaventure (Lyon)