La quête du bonheur rencontre chez l’homme un désir et une interrogation. Le désir d’être heureux s’inscrit au plus profond de son affectivité ; il revêt la forme d’une béance de l’être. L’interrogation, elle, porte sur l’universalité de la quête : est-il si vrai que tous les hommes aspirent au bonheur ?
« Que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement » (Ap 22, 17). Comme tous les êtres vivants, l’homme est habité par le besoin. Le manque le pousse sans cesse à rechercher de quoi le satisfaire et l’apaiser. Le désir humain est ainsi d’origine divine. Il porte en lui quelque chose de l’infini divin. Rien de ce qui est créé ne saurait l’apaiser de manière complète. Le fini ne comble pas l’infini
L’homme est ainsi fait qu’il ne cesse de poursuivre un en-avant, une satisfaction plus grande ou plénière. S’il appelle Bonheur cet état espéré, il éprouve alors comme une nostalgie. L’homme porte en lui l’inguérissable nostalgie d’un paradis perdu. Mais devine aussi que ce bonheur est le fruit d’une promesse. Le bonheur crée ainsi un état de tension entre ce qui a été et ce qui sera, le perdu et le promis, les deux jardins évoqués dans l’Ecriture. Il existe donc ce qu’on pourrait appeler une souffrance du bonheur qui résulte de cette tension.
Désirer la plénitude et se savoir incapable de l’atteindre par ses propres forces : dans cette béance inévitable et parfois douloureuse, le théologien lit la présence d’une affectivité spirituelle.
C’est par elle que Dieu pénètre en chaque être humain, par effraction, en quelque sorte, à la manière d’un voleur en pleine nuit (Mt 29, 36-44). Cette aspiration naturelle à la béatitude représente l’élan de toute la créature vers son Créateur. Fils d’Adam et d’Eve, Frère de la Samaritaine, il sait qu’il existe une source d’eau vive, susceptible de rassasier toutes les soifs, comme pour cette femme aux cinq maris que Jésus croise au bord d’un puits (Jn 8, 1-11).