Si nous avons honoré le Mardi gras, le cœur n’y est pas vraiment cette année, dans le sentiment de fragilité que nous vivons. Le Mardi gras annonce le temps où l’on fait bonne chère, où il est permis de « faire gras », c’est-à-dire de consommer de la viande. Il annonce le début du Carême, mot qui signifie lui-même « quarantaine ». On l’a tellement entendu ces derniers mois, décliné en quatorzaine, éventuellement réduite à sept jours ! Il peut reprendre un coup de jeunesse dans le chemin qui nous mène vers Pâques. Le Carême est un moment de désert, rappelle la Bible, un temps de dépouillement et d’épreuve pour n’appartenir qu’à Dieu. Jésus y demeura 40 jours, disponible à cette intimité avec son Père. Le peuple hébreu y fut en errance pendant 40 années. Dieu leur parlait au cœur, mais il leur fallait le temps de l’entendre et de consentir à ce que le chant de son alliance change leur vie et l’emporte du côté de Dieu. Le vent et les solitudes du désert décapent. Elles [re]façonnent intérieurement. La parole des prophètes invite à reconsidérer la justice dans la relation aux autres, en particulier à l’égard du pauvre, dans une juste compassion qui se traduit en actes de fraternité (Is 58). Dans le droit fil de la piété juive, l’évangile nous a rappelé, le mercredi des cendres, l’importance du jeûne, de l’aumône et de la prière (Mt 6). Le jeûne simplifie la vie, la désencombre des scories inutiles, de ce qui retarde la marche. L’aumône change le regard sur autrui, permet d’« envisager » l’autre comme est un frère, une sœur. Car ce que l’on donne en définitive, c’est soi-même dans une relation fraternelle. Ce n’est pas le partage, mais l’échange où chacun reçoit et donne. La prière creuse l’espace intérieur pour que la parole de Dieu y trouve pleinement sa place et transforme notre vie. Il faut donc simplement suivre Jésus, goûter sa parole, marcher avec Lui qui donne sa vie, apprendre aussi à donner la nôtre, pour goûter à la joie de Pâques.
La pandémie cette année nous a tous mis en quarantaine, en carême. N’ajoutons pas des privations aux privations. Mais profitons du temps qui nous est donné pour continuer d’inventer des gestes de proximité, pour profiter du temps retrouvé pour nous mettre à l’écoute silencieuse de la Parole. Un carême pour s’intéresser à notre vie et à celle des autres et y trouver Dieu qui a choisi d’y demeurer.