En entrant dans une église, ou dans un moment de prière, nous traçons sur nous un signe de croix. Quel sens, en effet, les chrétiens donnent-ils à ce geste qui leur vient du fond des âges et qu’ils font tellement souvent qu’il risque de devenir machinal ?
Le signe de la croix marque le plus souvent l’entrée dans la prière, comme une ouverture, une sorte de code d’accès. Il semble même introduire une rupture avec les occupations habituelles. A la manière d’une parenthèse qu’on ouvre et qu’on ferme au cœur d’une phrase. La prière serait-elle une parenthèse qu’on ouvre et qu’on ferme au cœur de la vie ? Le signe de la croix clôt aussi la prière, comme on ferme une enveloppe et qu’on y inscrit une adresse. Est-ce l’adresse de Dieu qu’on prononce alors, à l’intention d’un mystérieux facteur chargé de faire parvenir la prière à son destinataire ?
Le signe de la croix est la mémoire de notre baptême. Ce jour-là, le prêtre, les parents, parrain et marraine ont tracé sur nous ce signe qui est en quelque sorte la signature de Dieu sur le chef d’œuvre que nous sommes pour lui. Ce jour-là, Il nous a dit et nous redit chaque jour : « Tu es mon Enfant bien aimé. En toi je mets tout mon amour ». Se signer, c’est rentrer dans la ronde du Père, du Fils et de l’Esprit.
Finalement, ce signe de la croix n’est-il pas à lui seul, toute la prière ? Il n’y a pas pour le chrétien de plus belle prière que de se marquer ainsi de la croix de Jésus en redisant lentement et consciencieusement le nom du Père, et du Fils et de l’Esprit, le nom des Trois qu’il adore. Tracer sur soi la croix de Jésus en se tournant vers Dieu, c’est lui dire qui nous sommes : nous ne voulons être à ses yeux que l’un de ceux que Jésus a aimé jusque-là. Nous ne voulons pas d’autre identité que cette croix. Nous n’avons pas d’autre titre qu’à nous présenter devant Dieu. Nous qui ne savons pas prier, nous qui ne savons pas aimer, nous choisissons de nous tenir devant notre Dieu revêtu de la tête aux pieds de ce signe incontestable de l’amour vécu jusqu’au bout. Par le signe de la croix, nous nous revêtons de Jésus, nous nous couvrons de son amour pour nous tourner vers le Père, forts seulement de la parole qu’il nous redit sans se lasser : « Mon enfant Bien-Aimé ! »