Tout un chemin nous est offert par les Semaines Sociales de France
Partie I – Le Bilan
Laurent de Mautort, administrateur des SSF
Les Semaines sociales ont pris l’initiative de collecter, semaine après semaine, des initiatives de solidarité qui ont vu le jour partout en France. Ces listes (six au total) ont été publiées pour mémoire sur la Plateforme du bien commun.
L’objectif était de ne pas se laisser entrainer par l’éphémère induit par l’information en continu et de recenser les initiatives porteuses d’avenir et d’espérance pour construire demain une société plus humaine et plus fraternelle
Au moment où les préoccupations de chacun se tournent vers la reprise, il est temps de faire un premier bilan. Le foisonnement des initiatives, individuelles ou institutionnelles, locales ou nationales, sectorielles ou généralistes, donne le sentiment d’une vitalité profonde, insoupçonnée dans sa diversité. En prenant un peu de recul, il est possible d’organiser ce feu d’artifice autour de quelques lignes de force.
J’en distingue six :
– Le soutien et la gratitude au personnel soignant : C’est d’abord cela qui apparait massivement avec les applaudissements aux fenêtres à 20h, la décision spontanée d’entreprises et de particuliers de produire du gel hydroalcoolique, des masques ou surblouses, la mise à disposition de chambres d’hôtel ou de logements, les tombolas et cagnottes, les repas et viennoiseries livrés gratuitement, les dessins d’enfants collés aux fenêtres des hôpitaux. Cette gratitude s’élargit au fil du temps « à tous les travailleurs anonymes et souvent transparents qui s’investissent et font vivre notre beau pays en cette période difficile ».
La fraternité : Il y a ensuite le puissant mouvement pour recréer du lien. Les réseaux sociaux ont joué un rôle décisif dans cette mise en relation avec l’explosion des Facebook live et autres Zoom en famille, entre amis, mais aussi entre personnes qui ne se connaissaient pas ou peu, formant autant de communautés virtuelles. Le confinement a mis en lumière une fracture numérique (un français sur six est touché par l’illettrisme numérique) mais il a aussi permis à un grand nombre d’apprivoiser pour la première fois les réseaux sociaux, parfois grâce à l’aide de bénévoles ou grâce à la mise à disposition de tablettes. Les initiatives de fraternité ne se résument pas, loin de là, à l’explosion des communautés virtuelles. Il y a eu aussi, et c’est sans doute le plus important, l’entraide gratuite et désintéressée avec les courses pour les personnes âgées, les lettres d’enfants envoyées aux anciens confinées dans les EPHAD, les appels téléphoniques aux personnes isolées.
– La débrouillardise : Assez rapidement, des solutions pragmatiques pour résoudre des problèmes du quotidien se sont développées, comme les plateformes internet mettant en relation producteurs ou commerçants et consommateurs, pour palier à la fermeture des marchés. Des salles de congrès ou de spectacle locaux rendues inutiles par le confinement ont été converties temporairement en centres d’accueil pour SDF. Des plateformes ont été lancées pour soulager la trésorerie des cafés et restaurants, en proposant d’acheter aujourd’hui un repas ou une boisson à consommer après la fin du confinement.
– L’aide aux plus vulnérables : Les semaines passant, il est apparu de façon de plus en plus criante ce que les associations disaient depuis le début, à savoir que le confinement n’était pas égal pour tous et qu’il était un facteur d’aggravation des inégalités. La plus grande de ces inégalités a été celle subie par les sans-abris avec la fermeture des Bains Douches Municipaux. Sont aussi apparus les nouveaux précaires qui ont un logement mais, laissés sans ressources par l’arrêt de l’économie, descendent dans la rue parce que n’ayant rien à manger. Les associations nationales, locales, diocésaines ont joué pleinement leur rôle avec les chèques solidarité, l’aide alimentaire d’urgence, les maraudes associant distribution de repas et de kit d’hygiène. A noter aussi l’appel au don pour les banques alimentaires qui servent à nourrir près de 2 millions de personnes, et la multiplication des numéros verts pour un soutien psychologique ou spirituel.
– Un nouveau regard sur l’international : La lutte contre la pandémie poussait spontanément à une approche franco-française, centrée sur la capacité à tenir du système hospitalier, avec chaque jour les chiffres fournis par le professeur Salomon. Le reste du monde apparaissait juste en arrière-plan, parfois comme bouc émissaire, souvent comme exemple à ne pas suivre. Puis sont apparues sur les réseaux sociaux des vidéos inspirantes provenant d’autres pays et des vidéos françaises de soutien au personnel soignant italien ou espagnole, ce qui peut être compris comme symptomatique d’une prise de conscience d’un destin commun.
Remarquable aussi cette initiative centrée initialement sur la France, comme la chaine logistique de masques entre la Chine et la France montée par un groupe d’anciens élèves, qui s’est transformée en appui à de grandes ONG pour fournir en masques les pays les plus fragiles, notamment en Afrique.
– Le rôle de la culture doit enfin être mis en avant. La musique, les vidéos, notamment les vidéos humoristiques, ont joué un rôle essentiel pour sublimer le sentiment des gens (gratitude, angoisse, besoin d’unité, recherche du beau). Cela s’est traduit par des chœurs à distance, des orchestres participatifs, les chants au balcon, les pièces de théâtre ou concerts disponibles gratuitement sur internet, des propositions culturelles spécifiques, comme « une nouvelle, un écrivain » mise en ligne chaque jour ou des œuvres de Street-Art mises aux enchères pour les soignants. Pour résumer ce point, un dernier cadeau offert par le corps de ballet de l’Opera de Paris.
Laurent de Mautort, administrateur des SSF
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