Chers prêtres et fidèles catholiques du diocèse de Paris, et vous tous qui lirez ce message,
En cette fin de novembre, déjà brillent les lumières du temps de Noël ; nous entrons dans ce temps spécial de préparation, l’Avent, qui évoque l’annonce de la venue de Dieu au milieu des hommes. Au milieu des jours les plus courts, les croyants que nous sommes voient la lumière d’une espérance se lever. Nous attendons ainsi chaque année ce retour de la lumière, symbole de toutes les attentes d’un monde plus lumineux, plus paisible.
Je commence à écrire dans un contexte rude pour le monde et pour l’Église ; je parle des guerres et des tensions qui agitent notre terre en des lieux si nombreux : la guerre en Ukraine ne peut pas faire oublier les conflits qui continuent au Moyen-Orient, en Asie plus lointaine, en Afrique, en Amérique latine… Chacun a sa propre liste et des connaissances qui nourrissent ses inquiétudes et sa prière. Sans oublier les grandes préoccupations que nous avons pour l’avenir de notre planète pour laquelle nous espérons aussi des comportements individuels et collectifs moins égoïstes, plus respectueux des personnes fragilisées et des peuples marqués par les crises économiques.
Dans l’Église, nous ne manquons pas d’inquiétudes graves : la colère qui monte contre les récentes et graves révélations d’abus sexuels et spirituels, abus de pouvoir et diverses formes d’emprise dont trop de personnes sont victimes. Nous parlons aussi d’un sentiment partagé par beaucoup, au pire d’une inaction des évêques en ces affaires, au mieux de l’inefficacité de leurs décisions : nous devons l’entendre. Qu’il me soit permis de dire que la colère est aussi celle des prêtres et des évêques qui découvrent ces faits, souvent anciens, au fur et à mesure, et qui ont beau se faire aider par des psychiatres, des juristes et d’autres conseillers, mais ne détiennent pas toujours tous les moyens d’une information exacte, au terme de procédures complexes et parfois lentes. Qu’il me soit permis de dire aussi que cette colère, c’est aussi la mienne, comme je sais qu’elle est la vôtre. Vous avez pu lire, sur le site du diocèse de Paris, la déclaration finale de l’assemblée des évêques à Lourdes, le 8 novembre dernier, intitulée : « Bouleversés et résolus », ainsi que les résolutions que nous avons votées pour compléter les mesures déjà prises. Nous nous préparons à recevoir, en mars prochain, celles que préconiseront les neuf groupes de travail annoncés en novembre 2021 qui nous ont présenté, au cours de l’assemblée que nous venons de vivre, un point d’étape très encourageant.
Je sais aussi que vous tous, prêtres, fidèles, diacres, religieux, religieuses, salariés, bénévoles, corps convalescent de cette Église qui est à Paris, avez vécu des douleurs particulières : l’incendie de la cathédrale qui nous prive beaucoup de cette église-mère des autres églises, le départ de Mgr Michel Aupetit, et – comme ailleurs – les effets amers de la crise sanitaire qui se sont étirés et ont brisé bien des élans de la vie des paroisses et de des associations, après avoir endeuillé tant de nos familles. À chacune de mes rencontres avec vous, je mesure combien votre soif de fraternité, de communion, est grande.
Enfin, beaucoup d’entre nous, croyants ou non, s’inquiètent des évolutions de l’opinion vers une conception de la fin de vie qui nous éloigne de plus en plus de nos sources spirituelles les plus profondes. Nous nous désolons de ce que l’aide active à mourir qui cache maladroitement le terme d’euthanasie puisse se faire passer pour un signe de fraternité. La fraternité à laquelle nous appelons sans cesse est une aide à vivre les derniers moments de sa vie, en soulageant les douleurs par les médications appropriées, en apaisant les angoisses de l’approche de la mort par une présence continue, une écoute attentive et une douceur qu’aucun recours technicien ne saura jamais procurer : tous les témoignages venus de la pratique des soins palliatifs le montrent. Vous pouvez aussi lire, sur le même site du diocèse, et travailler avec d’autres la lettre pastorale des évêques de France : « Ô mort ! Où est ta victoire ? »
Bienvenue… chez vous !
Ce sont des mots que j’entends à l’occasion de nos rencontres et qui disent votre accueil sincère. À peine six mois après mon arrivée parmi vous, je suis loin d’avoir découvert tous les aspects de la vie d’une ville-monde et d’une Église… unique, la vôtre et désormais la nôtre ! Déjà j’aime cette ville et cette Église, foisonnantes de vie, de projets, de rêves et de réalisations de toute nature. Déjà, j’aime ce diocèse qui m’est confié, où tant de bonnes volontés sont à l’œuvre, où je vous vois si nombreux au service de nos frères et sœurs. Je vois, dans Paris, des modifications démographiques substantielles : une diminution significative de la population qui affecte fortement des quartiers du centre-ville. Alors que Paris peine à garder ses familles, certains quartiers se transforment et se rajeunissent, d’autres conservent leurs populations variées en âge et en sociologie, permettant aussi des brassages heureux dans les églises et les paroisses.
J’ai déjà perçu les activités en faveur des jeunes, les patronages par exemple et les mouvements de jeunesse ; ainsi que les très belles initiatives caritatives et solidaires. Tout ceci témoigne de ce dynamisme que je constate et que vous appréciez.
Je voudrais mettre la lumière sur ces initiatives qui donnent belle figure aux paroisses et aux mouvements et associations : les liturgies sont belles et préparées avec soin ; les œuvres de jeunesse et celles où l’on accueille les personnes isolées, vivant dans des conditions précaires sont innombrables, certaines remontent jusqu’au XIXe siècle où le monde populaire affluait pour les industries et les grands travaux (la Mie de pain) ; d’autres ont vu le jour plus récemment avec le développement d’une pauvreté urbaine liée au chômage de masse depuis cinquante ans, et à l’arrivée de populations migrantes (Aux captifs la libération, Hiver solidaire et la Maison Bakhita, l’APA). Et si je n’en cite que trois ou quatre, je sais qu’il en existe bien d’autres… Je voudrais ici humblement remercier chacun d’entre vous, serviteurs du Christ en son Église et dans le monde.
C’est également le lieu de rendre grâce au Seigneur pour la belle présence des communautés de religieux et religieuses, et des personnes consacrées, qui, de façon discrète, par leur prière, leurs relations dans les quartiers, leurs engagements multiples tissent tant de liens fraternels.
Je connais aussi les magnifiques efforts déployés dans ce diocèse, à l’initiative de mes prédécesseurs, pour la formation des chrétiens. Avec les institutions les plus anciennes, comme les Facultés de l’Institut catholique, et la Faculté de théologie jésuite de la rue de Sèvres, le Collège des Bernardins et la Faculté Notre-Dame soutiennent toutes sortes de formations adaptées et au plus près possible de vos lieux d’habitation ou de travail pour entrer davantage dans la richesse de l’expérience et de la foi chrétiennes.
Enfin, le soutien à la prière personnelle comme à la prière liturgique se voit bien dans les églises paroissiales, les sanctuaires et les chapelles et oratoires dans lesquels j’ai pu entrer pour y prier, pour y présider une liturgie.
Tout cela est beau et vrai, et pour l’évêque qui arrive c’est une grande joie de constater une telle vitalité. Mon premier mouvement, vous le voyez, c’est de vous en renvoyer l’image. Parce que nous sommes parfois sévères avec nous-mêmes : est-ce aussi notre tempérament français souvent insatisfait, critique et pessimiste ? Pourtant, c’est une vertu qu’il faut cultiver en nous : non pas l’autosatisfaction qui est aussi un trait paradoxal de notre tempérament national, mais la reconnaissance et l’action de grâce pour ce que Dieu nous donne de vivre, ce qu’il nous permet de réaliser. Certes l’Église, en Occident et en France notamment, est devenue beaucoup plus petite, moins visible chez nous qu’elle ne l’a été : dans mon enfance et mon adolescence, au début de mon ministère de prêtre et même encore dans les premières années de mon ministère d’évêque, je voyais une Église catholique qui suscitait de l’intérêt par ses débats internes autant que par ses prises de position au cœur de la vie civile et nationale. Nous pouvons bien reconnaître cette diminution, sans en tirer la conclusion que notre témoignage n’est plus reçu dans cette société : nous y vivons et c’est dans ce contexte que notre espérance peut se rendre visible.
Mon second mouvement, c’est de regarder cette société morcelée ; un sociologue connu parle de l’archipel français, et les analyses foisonnent qui développent des points de vue complémentaires. Il ne m’appartient pas de justifier ces recherches scientifiques ni d’en faire la critique, chacun peut cependant observer que dans une société qui pose comme valeur forte et presque exclusive l’épanouissement personnel et fournit tous les éléments d’une individualisation des parcours et des objectifs de vie, il paraît conforme de chercher les réseaux qui confortent chacun dans ses propres choix. Il y a quatre-vingts ans, le Petit Prince de Saint-Exupéry avait déjà remarqué que chacun se rassurait en vivant sur sa petite planète ! L’enjeu de « faire société » demeure.
Les tensions et les conflits permanents qui traversent notre actualité, relayés vingt-quatre heures par jour, l’état de stress très élevé de tant de nos contemporains jusqu’aux burn out auxquels ne semble échapper aucun corps professionnel et social, pas même notre corps sacerdotal, et même les divisions qui fragmentent chaque jour des associations où l’on affirme vouloir tendre vers le même but, tout concourt à refermer chacun sur soi-même et sur des cercles de plus en plus étroits. Le nombre des adultes qui vivent seuls, en tout cas en France, ne cesse de croître depuis cinquante ans. Les chemins semblent ne plus se croiser, au point que l’on en vient à s’étonner – pour s’en réjouir – de certains rassemblements qui manifestent un peu plus de variété d’opinions, d’âges ou de milieux.
C’est dans cette société pourtant que je vois poindre des attentes spirituelles. Pensés en premier lieu pour lutter contre les solitudes, des mouvements naissent et proposent des colocations entre des personnes que rien ne prédisposait à se rapprocher : elles recherchent ensemble simplicité de vie et fraternité ; leur trésor parfois inattendu réside aussi dans la prise en charge commune de la vie spirituelle, dans des propositions de cheminements pour une vie intérieure.
De telles attentes se marquent aussi dans les changements de style de vie qui interviennent au cours de la vie professionnelle, le plus souvent au bout d’un cycle de dix ou quinze ans, parfois après très peu d’années. C’est comme si l’enchaînement de la formation, de l’entrée dans la vie active, professionnelle et familiale, avait été suivi comme en pilotage automatique, sans avoir pu assez réfléchir, prendre le recul nécessaire. Alors faire une rupture s’impose, retrouver son intériorité, baisser le régime, prendre le temps de voir, de sentir, de goûter. Et de chercher plus de sens à ce que l’on veut faire. Le Seigneur Jésus est capable de se faire reconnaître, non pas dans le fracas orageux de la suractivité, mais dans l’apaisement et la brise légère où déjà Dieu se manifestait discrètement aux prophètes d’autrefois, Moïse (Ex 33, 22-23) et Élie (1 R 19, 11 et suiv.) pour ne citer que ces deux-là.
Ce propos indique de lui-même des voies à suivre pour notre Église qui est à Paris. Toute la richesse qu’elle reçoit en héritage du Christ est faite pour être partagée : non pas comme si c’était le don de notre propre générosité qui allait s’imposer aux autres, mais comme le don de Dieu que nous ne pouvons pas garder pour nous. Ce don de Dieu est l’origine-même de notre tradition spirituelle, certes ; mais il est aussi à rechercher dans ce monde que Dieu aime et qu’Il irrigue de son amour, y compris quand celui-ci ne le connaît ou ne le reconnaît pas.
Regardons ensemble : la justice sociale et la fraternité, nous ne sommes pas les seuls à les chercher et à proposer des voies pour y progresser. L’amour de la vie familiale n’est pas une spécialité catholique, même si nous aimons le riche héritage de notre tradition en ce domaine. Nous portons avec raison le témoignage d’une aide active à vivre au temps de la solitude et de l’angoisse à l’approche de la mort, mais nous ne sommes pas les seuls à comprendre que là se trouve un chemin de fraternité plus sûr que dans l’abandon à un choix individuel et terrifiant. La beauté artistique a trouvé dans le mystère chrétien des thèmes qui se sont illustrés dans de nombreuses cultures du monde depuis deux mille ans, mais nous savons aussi découvrir dans d’autres traditions religieuses, et chez d’autres poètes, musiciens et plasticiens, croyants ou non, des œuvres qui enchantent nos cœurs.
Oui, si notre Église veut avancer dans un esprit de communion en sa vie propre et s’offrir comme un pilier qui favorise cette communion, elle peut bien apprendre du monde où elle vit. Qu’elle accepte de recevoir des autres et des sociétés, non sans opérer les discernements qui enrichissent son expérience, puisque l’Esprit du Christ se trouve répandu dans les cœurs.
Avec Notre-Dame, qu’attendons-nous ?
L’image de ce que nous attendons au sujet de Notre-Dame de Paris peut nous inspirer. Nous attendons tous qu’elle soit réouverte au culte et à la visite. La promesse qui nous est faite de la retrouver dans le délai des cinq ans après l’incendie est en passe d’être tenue vers la fin de l’année 2024 : au moment où j’écris, le calendrier prévisionnel est respecté.
Certains ont craint qu’elle ne soit plus qu’un musée, un témoin du passé ! Il n’en est rien, Notre-Dame redeviendra le lieu où se célèbre chaque jour, malgré les aléas de l’Histoire, le mystère de Dieu-fait-homme, pour que tous puissent participer à la promesse incroyable de partager pour toujours sa vie avec le Père, dans la force de l’Esprit saint. Ainsi les foules qui vont revenir dès la réouverture, ne sont pas, de notre point de vue, un inévitable inconvénient de la consommation touristique ! Elles sont pour nous le monde qui est en perpétuel mouvement et à qui est offerte la rencontre de Celui qui sauve l’humanité de ses tourments et la conduit vers la Paix et la Joie.
Si nous accueillons ces foules comme l’image de la multitude que Dieu aime et conduit, alors tous les lieux, toutes les rencontres et toutes les recherches de vie, avec même des hésitations et des erreurs, peuvent être des lieux et des occasions de rencontre avec Celui qui donne la Vie. Notre cathédrale, qui attire tant de regards depuis si longtemps, avec un attrait renouvelé depuis ce 15 avril 2019, retrouvera cette vocation première d’être un reflet de la Lumière, à l’image de la Mère de Dieu, sur les routes humaines. Comme elle, nous aussi, membres de l’Église, nous sommes au cœur de la grande ville, signe, indication, accueil, présence, ouverture vers ce mystère de l’amour infini de Dieu pour tous les humains.
Le pape François a demandé à toute l’Église répandue sur la Terre de vivre une démarche synodale ; ce mot a surpris ! Il signifie proprement : marcher ensemble. C’est-à-dire chercher ensemble les moyens d’une vie commune pour que les mosaïques culturelles qui décrivent notre monde et notre Église soient aussi harmonieuses que possible. Le mot dit aussi, étymologiquement : passer des seuils ensemble. Ce qui signifie clairement que dans ce temps où nous changeons d’époque, nous avons à trouver ensemble des voies justes pour ce monde renouvelé.
Vivre la démarche synodale, ce n’est pas se mettre autour d’une table pour produire des comptes-rendus d’échanges en réponse à un questionnaire : c’en était une étape, qui a été bien vécue à Paris au cours de l’hiver et du printemps dernier. Dans le document synthétique « Où est notre Église ? », qui préludait à la rencontre diocésaine du 22 mai 2022, veille de l’accueil liturgique de votre nouvel archevêque à St-Sulpice, j’ai lu, tout au long des pages, un appel à « vouloir une Église ouverte, joyeuse et courageuse pour incarner la Bonne Nouvelle. » Ce désir profond me réjouit. Je remercie ici ceux et celles qui ont contribué par leur réflexion et leur engagement à écrire cette page de l’histoire de notre diocèse.
Cette démarche était un prélude à un renouvellement de notre façon d’agir et de vivre, en croyants, dans le monde. Il y a tant d’initiatives dans notre Église de Paris et dans notre cité, comme je l’ai dit plus haut, qui sont réfléchies, entreprises et réalisées avec le concours de tant de personnes variées, avec des statuts personnels divers, que nous tenons là de bons points de départ d’une vie synodale.
En outre, il est vraiment possible, non seulement d’agir pour et avec d’autres, mais aussi de chercher comment Dieu s’adresse à nous et à nos contemporains à travers ce qui se vit et se construit : pour nous croyants, cela se fait en prenant le temps d’écouter la Parole de Dieu ensemble, en demandant au Seigneur d’éclairer notre route, en reconnaissant à chacun sa place dans ces démarches, en ne se décourageant pas dans les difficultés, en acceptant de peiner sur le chemin avec le Christ, en s’associant à Lui dans l’eucharistie de l’Église. Pour cela, nous voulons continuer à créer dans nos lieux de vie des petites « fraternités missionnaires » qui en sont le maillage et construisent une harmonie, une communion.
Si nous voulons former, fortifier et développer une Église de la communion – et c’est ce chemin que j’invite à suivre avec vigueur – nous regarderons ce monde tel qu’il est, nous renoncerons à nous ériger en possesseurs de vérité, nous ferons en sorte de reconnaître à chacun sa place dans la société, qu’il soit homme ou femme, jeune ou âgé, bien portant ou malade, avec un handicap plus ou moins visible, et aussi dans l’Église, qu’il soit clerc ou laïc, religieux ou consacré, marié ou célibataire.
Pour porter le témoignage de la vie baptismale, de l’Évangile, nous croyons que le Christ a réellement besoin de tout le monde. Pour vivre une Église de la communion, il faut aussi s’affranchir des grilles de l’analyse politique : je ne veux pas dire par là que les chrétiens seraient apolitiques, je dis seulement que les qualificatifs de droite et de gauche, de progressistes et de conservateurs, de réformistes et de révolutionnaires, ne permettent pas de rendre compte de ce qui anime vraiment ceux qui se mettent à la suite du Christ. Cette lecture est toujours un piège et beaucoup s’y sont fourvoyés au long des âges.
Pour vivre une Église de la communion, nous apprenons chaque jour davantage à tenir compte de ceux qui s’efforcent de travailler à son engagement dans la société, à son témoignage de foi. Nous voulons que les prêtres, les diacres, les personnes consacrées, les baptisés en mission diocésaine ou laïcs en mission, et tous les personnels salariés ou les bénévoles qui se dépensent dans les paroisses et les associations se respectent mutuellement et se sachent nécessaires ensemble.
Notre tâche se trouve du côté du service du Seigneur et de celui des hommes et des femmes qui sont pour nous des frères et des sœurs ; notre service est celui d’une vie donnée pour que soient rendus visibles et compréhensibles le don et l’appel du Christ, et pour cela le service des attentes spirituelles qui se font jour dans notre époque ; notre service est celui d’une communion par laquelle Dieu entend bâtir l’unique famille humaine qu’Il aime. La tenue prochaine des Jeux Olympiques de Paris 2024 va être, à cet égard, pour notre région et notre ville, un vrai lieu de témoignage de fraternité universelle. C’est pour être à la hauteur de ces enjeux que nous travaillons à la préparation de cet événement.
Nous sommes ainsi en chemin avec ces tâches que je viens de désigner : accompagner des attentes spirituelles et accueillir les catéchumènes et les chercheurs de Dieu avec bienveillance et émerveillement ; tisser les liens de la fraternité et de la communion ; permettre à chacun dans l’Église et dans le monde de trouver une place reconnue et bienfaisante pour tous.
Que ces références bibliques nous aident à découvrir mieux ce que nous aurons à faire, ensemble et chacun personnellement.
Mt 23, 1-12 : « Ils disent et ne font pas ! » Ce qui est attendu de nous, c’est un témoignage qui accorde nos paroles et nos actes ; la fraternité, nous voulons la servir, sans l’imposer de haut comme des maîtres qui savent, mais comme des frères et des sœurs qui cherchent avec d’autres ; et comme des serviteurs qui portent une lampe, mais ne décident pas à la place de leurs compagnons de route.
Jérémie 12, 5 : « Si la course avec des coureurs te fatigue, comment rivaliseras-tu avec des chevaux ? S’il te faut un pays en paix pour avoir confiance, comment feras-tu dans les maquis du Jourdain ? » Aujourd’hui, autant que par le passé, le témoignage de l’Évangile est un engagement en situation difficile ; nous pouvons rêver d’un passé où l’Église dominait la société… cela n’a pas été toujours réussi ! En tout cas, ce n’est pas la situation présente et l’Évangile a quelque chose à dire qu’il nous faut mettre en évidence. La terre où nous vivons n’est pas en paix, et c’est justement cette terre-là qui attend des témoignages et des appels à la paix, l’appel du Christ qui est « notre paix ».
Éphésiens 4, 12-13 : … « Que se construise le Corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude. » À l’évidence, nous n’y sommes pas encore ! Mais le Christ veut aller le plus loin possible dans le rassemblement de l’humanité. Nous ne sommes pas sur un promontoire depuis lequel nous dirions le bien et le mal ; nous ne sommes pas dans une bulle protectrice dans laquelle nous serions immunisés contre tout danger et toute erreur. Nous sommes seulement un peuple de pécheurs appelés à vivre dans la lumière de la miséricorde de Dieu reçue chaque jour. L’humble contribution de tous est attendue.
Ma lettre est déjà trop longue, mais je ne pouvais m’empêcher de vous dire tout ceci quelques mois après mon arrivée ici : lisez-la, si vous le voulez bien, partagez-la à d’autres, dans des petits groupes habituels ou spontanés, échangez entre vous.
Pour terminer, j’évoque les prochaines Journées mondiales de la jeunesse, à Lisbonne, du 26 juillet au 3 août 2023. Le thème donné par le Saint-Père est tiré de l’évangile de Luc (1,39) : Marie se leva et partit avec empressement ! Des milliers de jeunes de notre diocèse y participeront “avec empressement”, je l’ai déjà constaté : ils nous disent que nous sommes sur un chemin qui mène vers le Royaume de Dieu, où nous avons été placés par Dieu lui-même (Colossiens 1, 13), mais que nous ne sommes pas encore au terme.
Ne nous décourageons jamais, allons à la rencontre de Celui qui vient vers nous. Vivons bien ce temps de l’Avent, réjouissons-nous de voir poindre les lueurs de l’aurore nouvelle, de la lumière de la Nativité du Sauveur. C’est cette lumière qui nous guide vers notre vocation d’enfants de Dieu, au service du Christ, de l’Église et de nos frères et sœurs. Faire fleurir les espoirs, stimuler la confiance, panser les blessures, tisser des relations nouvelles et plus profondes, apprendre les uns des autres, construire des ponts, éclairer les esprits, réchauffer les cœurs et redonner de la force à nos mains : je vois là quelques éléments du programme que nous donne le pape François pour le Synode sur la synodalité, mais qu’en réalité nous sommes tous invités à suivre pour vivre et annoncer l’Évangile, et construire dès aujourd’hui le Royaume de Dieu au cœur de ce monde qu’Il aime.
Que le Seigneur vous bénisse tous et chacun.
Je vous assure de ma profonde amitié, en communion dans la prière.